13, Mar 2025
Le regard de Simon sur la Conférence : Les logements collectifs des 30 Glorieuses

Bonjour, je m’appelle Simon André, j’ai 25 ans, je suis en fauteuil et passionné de sport !

Je suis aussi motivé par l’idée de faire connaître les activités du secteur social et médico-social que je côtoie fréquemment, notamment celles de l’Udaf de l’Aude ou de ses partenaires. Mon sujet du jour : les logements collectifs des 30 glorieuses, Vaste sujet !

Jeudi 13 février 2025, l’Udaf (Union Départementale des Associations Familiales) de l’Aude en collaboration avec l’ADIL (Agence Départementale d’Information sur le Logement) de l’Aude, organisait une conférence, avec la projection d’un film et une table ronde sur la situation du logement collectif et social dans l’Aude.

Différents acteurs majeurs du logement dans l’Aude y participaient. Parmi eux, Habitat Audois, ALOGEA, Carcassonne Agglo et le C.A.U.E. (Conseil d’Architecture Urbanisme et Environnement). Je partage cette journée avec Luc, un aidant professionnel, qui m’accompagne. Tout a commencé par une conférence.

Son thème ? : Les logements collectifs des 30 Glorieuses dans le marché locatif privé. 

La conférence est animée par Mme Dubois-Joye, directrice du pôle études à l’ANIL (Agence Nationale d’Information sur le Logement) avec pour objectif la présentation de l’étude du même nom.

L’étude a souligné trois grandes idées : premièrement, les immeubles construits entre 1945 et 1975 et les appartements qui les composent, répondaient à la fois aux besoins en logement de la France issues du Baby-boom. Mais également à la volonté de moderniser le cadre de vie des Français.

Ces appartements étaient plus spacieux, et proposaient un plus grand nombre d’équipements : des espaces extérieurs (parcs, balcons, loggias ou encore terrasses) mais également des caves ou des places de stationnement, sans oublier le chauffage central.

Ces appartements ont des charges d’entretien courantes élevées, ce qui entraîne des prix de vente et de location moindres.

Cependant, ce parc immobilier ne remporte pas la faveur des investisseurs, soucieux des coûts en rénovations thermiques. Ils préfèrent concentrer leurs efforts sur de plus petits logements en centre-ville.

Ce sont plutôt les familles qui louent et s’installent durablement dans ces logements des 30 Glorieuses, contentes d’avoir de l’espace pour un premier investissement relativement faible, même si les charges sont élevées.

Deuxièmement, ce parc locatif privé des 30 Glorieuses est au cœur de deux grandes transitions : la transition écologique, avec la nécessité de rénovation énergétique de ces logements, qui font office de mauvais élève en matière de « sobriété énergétique ».

Mais aussi la transition démographique, avec l’installation de familles qui remplacent des occupants de longue date, personnes seules ou couples âgés. Il y a donc un renouvellement des propriétaires occupants.

Troisièmement, ces logements des 30 Glorieuses datent à minima de 50 ans. Des rénovations sont donc nécessaires. Ces rénovations, difficiles à financer et, dans le cas de grandes copropriétés pour lesquelles des votes sont requis. Elles restent dépendantes du vote des copropriétaires.

Les charges courantes élevées, et le besoin de travaux mettent en péril les primo-accédants, car ils ont bien souvent atteint leur capacité maximum d’endettement.

Toute cette terminologie très précise m’a fait revenir 7 – 8 ans en arrière, pendant mes cours de Sciences Economiques et Sociales !

Mais nous avons bien noté les liens que l’on pouvait faire avec certaines difficultés en lien avec la situation actuelle du logement, et en particulier du logement collectif et social.

Le documentaire de Sylvain Luini qui a suivi allait illustrer ces propos. Intitulé « L’adieu aux Floralies », ce quartier résidentiel de Ramonville s’est construit en 1972 avec la volonté d’un certain standing, inspiré par l’Habitat 67 de Montréal. Il ressemble à un empilement de cubes, où le toit de son voisin est en fait sa terrasse. Mais 40 ans plus tard, les 276 logements du complexe des Floralies sont promis à la démolition. Ce film m’a beaucoup marqué, à la fois par cette architecture si particulière, mais aussi et surtout par les témoignages des anciens habitants, qui se remémorent avec nostalgie « l’esprit des Floralies ». Cet esprit résultait en partie de l’architecture dite « brutaliste » de la copropriété.

Cette succession de coursives et de terrasses poussaient les gens à échanger, se rassembler en plus ou moins par groupes autour d’un barbecue ou d’un feu de camp. C’est cette « liberté d’action » selon Muriel, ancienne résidente, qui a fait le charme des Floralies.

Pourtant, la résidence des Floralies souffrait de nombreux défauts, et ce, dès le début : mauvaise gestion des eaux pluviales, qui ruisselaient sur les terrasses, mauvaise isolation, des problèmes d’humidité et une apparence qui a très vite mal vieilli.

La copropriété a vite souffert d’une mauvaise réputation. Pourtant, l’esprit d’échange et d’entraide entre les habitants devrait servir d’exemple pour beaucoup de gens, à mon avis.

C’est ce qui m’a le plus marqué, cette acceptation de la différence. Tous les profils se retrouvent aux Floralies. Employés de mairie, familles, personnes en difficultés sociales ou économiques en passant par les étudiants et les artistes. Les Floralies sont un mode de vie, une « inspiration », une bulle de liberté et de nature en pleine ville. C’est la volonté d’échanger, de se connaître, de vivre ensemble, de manière tout simplement humaine. Cette résidence ne convient pas à tout le monde, j’en ai conscience, étant moi-même en situation de handicap, je n’aurai pas pu vivre là-bas. Si vous vouliez être tranquille dans votre appartement sans personne pour vous « déranger », vous risquiez également de « subir » le concept des Floralies.

En 2005, un plan de relance est étudié pour entreprendre des travaux, mais devant les coûts exorbitants, le projet est abandonné. Armel et d’autres résidents des Floralies créent alors le CREVIF (Collectif de Résidents pour la qualité de Vie aux Floralies). Avec leur aide, et le bailleur Les Chalets, un montage juridique est entrepris. Les Chalets vont racheter les appartements originaux des Floralies, pour ensuite démolir et reconstruire à la place.

Le concept architectural des Floralies va plus ou moins perdurer, grâce au CREVIF, qui insistera pour la création d’une terrasse pour tous les appartements. Ces « nouvelles Floralies » font désormais partie de l’écoquartier Floralies-Maragon à Ramonville.       

Ce film m’a fait beaucoup de bien en cette période tendue, comme un rappel de ce que l’humain a de surprenant et de meilleur. Mention spéciale à Jean-Paul, le concierge des anciennes Floralies, « gardien du temple » pendant 28 ans, et à Muriel et Pascaline pour leurs superbes poèmes.

La journée s’est conclue par une table ronde, animée par Philippe Kern, sur la problématique du logement dans l’Aude.

6 invités : Sylvain Luini, documentariste et réalisateur, Odile Dubois-Joye, conférencière et directrice des études à l’ANIL, Denis Janaud, directeur général d’Habitat Audois, Yasmina Aboumadj, directrice du C.A.U.E. de l’Aude, Thierry Mascaraque, vice-président de Carcassonne Agglo, en charge de l’habitat et enfin David Spanghero, directeur d’ALOGEA.

J’ai retenu quelques idées ou informations intéressantes. Premièrement, la France et plus particulièrement l’Aude traversent de nouveau une crise du logement.

Plus de 300 000 nouvelles demandes de logement social depuis l’année dernière dont quasiment 11 000 dans l’Aude. Comment s’attaquer au problème ? Remettre à plat la politique du logement selon Thierry Mascaraque, souhaiter un plus grand investissement de l’État pour David Spanghero, mais aussi remettre en place une vision à long terme de la politique du logement selon Denis Janaud. Pour Yasmina Aboumadj, cette crise du logement pourrait être en partie résorbée, par des incitations à utiliser et réaménager des logements vacants. Mais également réguler la pratique des Airbnb, bien moins taxés que les autres logements locatifs. Selon Odile Dubois-Joye, la diminution de la population pourrait apporter une solution aux problèmes de logement à long terme, mais il faut aussi penser à la rénovation de l’habitat existant.

Deuxièmement, repenser l’habitat et le logement en profondeur. Accessibilité, réhabilitation, démolition, sont indispensables selon Denis Janaud. Chaque époque apporte son lot de défis et d’interrogations en termes de logement. C’est pourquoi il est important de les identifier afin d’avoir une démarche de démolition raisonnée, et une réhabilitation efficace. Dans le cas des logements des Trente Glorieuses, la réhabilitation est un défi dans trois domaines, l’isolation l’accessibilité et l’acoustique. Les bailleurs sociaux ont une très grande expérience en réhabilitation, et selon son directeur David Spanghero, ces deux dernières difficultés restent bien plus importantes que la réhabilitation thermique par exemple. Pour Yasmina Aboumadj, la qualité d’un logement réside dans la relation entre maître d’ouvrage (architecte) et maître d’œuvre (chef de chantier) car architectes et urbanistes repensent les espaces habitables afin d’intégrer les besoins actuels et les enjeux énergétiques. Pour Odile Dubois-Joye, une réévaluation des normes est nécessaire pour équilibrer coût et qualité d’un logement.

Troisièmement, la question de la participation des habitants sur les projets immobiliers. Selon David Spanghero, la concertation avec les habitants durant une réhabilitation est vitale afin de rester en adéquation avec leur vision et leurs désirs. Les agents de proximité peuvent également assurer une relation continue avec les habitants. Dans le cas des Nouvelles Floralies la concertation a duré presque trois ans. Pour Thierry Mascaraque, la concertation permet de s’assurer de répondre aux besoins des habitants, à interroger leurs singularités car ils sont tous différents.

Sylvain Luini, ayant vu certains habitants refuser les appartements et îlots « ouverts » nous laisse une question à méditer. Le modèle des Floralies, est-il encore possible aujourd’hui ? Fait-il encore rêver ?

Pour conclure, j’ai encore constaté que les réponses, concernant l’accessibilité, notamment celle pour les personnes à mobilité réduite, sont encore trop partielles, trop timides. En tant que personne en situation de handicap avec des besoins de logements particuliers, je suis en colère.

Bien sûr des efforts sont faits, mais nous sommes encore très en retard sur cette question, plus de vingt ans après la loi sur le handicap !

Nous sommes près de 8 millions de Français en situation de handicap. J’y ajoute les 18 millions de plus de 60 ans qui ont ou auront très vite des besoins d’accessibilités particulières.

Ce n’est pas anecdotique !

Allez Mesdames, Messieurs les décideurs, les promoteurs, les constructeurs… encore un effort… un vrai !